Au cours de nos consultations au cabinet ou lors de nos interventions dans les structures de la petite enfance, nous constatons encore souvent que des parents – et parfois même certains professionnels – installent les bébés assis avant même qu’ils ne puissent le faire par eux-mêmes.
Il nous semble important de partager avec vous les répercussions que cette position, proposée trop tôt, peut avoir sur l’évolution motrice de l’enfant.
Image tirée du livre « De la naissance aux premiers pas » de Michèle Forestier
Toujours le souhait de bien faire… mais pour de mauvaises raisons !
Certains professionnels et parents évoquent de nombreux arguments lorsqu’ils installent l’enfant en position assise. Selon eux, cette position serait bénéfique pour l’éveil du bébé, l’aiderait à grandir et permettrait de lui proposer des activités différentes en évitant ainsi l’ennui.
D’autres racontent qu’en position assise, le champ visuel de l’enfant évolue et se rapprocherait davantage de celui que l’on a une fois debout.
Certains observent que leur enfant se redresse dans le transat ou pousse sur ses jambes. Ils interprètent cela comme une envie de s’asseoir ou de se mettre debout. Or, c’est plutôt l’envie de bouger qui est exprimée ! On peut d’ailleurs le constater lorsque l’on propose à ces enfants de revenir jouer allongé sur le sol.
Nous pouvons également entendre que la station assise compenserait l’inconfort de certains enfants allongés sur le ventre. Pourtant, si le plat-ventre est proposé quotidiennement dès la naissance et sur des temps d’éveil, il deviendra une position confortable. D’ailleurs, c’est à partir du plat-ventre que vont s’édifier les prochaines étapes du développement psychomoteur {cf article : le développement moteur du bébé}.
Quelques adultes tentent aussi de se rassurer en imaginant cette position comme la première étape vers la verticalité. Mais comme elle est imposée par l’adulte, elle est donc « faussement acquise».
Image tirée du livre « De la naissance aux premiers pas » de Michèle Forestier
Quelles conséquences sur le développement psychomoteur ?
Lorsque l’enfant est installé trop tôt assis, on constate qu’il ne peut exercer sa motricité ni à sa manière ni à son rythme. Il peut d’ailleurs être installé dans cette position très longtemps par l’adulte… tant qu’il ne bascule pas. Mais dans tous les cas, cela est bien trop long pour lui !!!
D’ailleurs, bon nombre d’entre nous ont déjà observé des bébés assis, figés, entourés de coussins pour parer les chutes. Or, ne croyez-vous pas que c’est par le mouvement qu’un enfant apprend à connaître son corps et à s’en servir ?
Image tirée du livre « De la naissance aux premiers pas » de Michèle Forestier
Au niveau de la posture
Lorsque le bébé est contraint d’être assis, nous pouvons observer des tensions et une immobilité des jambes. La raideur peut d’ailleurs parfois se diffuser jusqu’au bout des orteils. Installé assis, le bébé ne peut pas plier ses genoux ni alterner les mouvements de l’une ou de l’autre de ses jambes. Ses jambes et son tronc forment un triangle pour tenter de le stabiliser au maximum.
L’amplitude des bras est réduite car le petit a tendance à arrondir son dos et surélever ses épaules. Ainsi, ses mains ne peuvent pas être assez détendues pour permettre une bonne exploration manuelle des objets.
Au niveau de la tête, l’articulation du cou est peu mobile. En effet, à chaque fois qu’il tourne la tête à droite ou à gauche vers un objet convoité ou lorsqu’il regarde les allers et venues autour de lui, l’enfant prend le risque de créer son déséquilibre.
Ainsi, l’enfant est bloqué dans un corps dont les deux parties se placent dans des plans différents de l’espace : le tronc à la verticale et les jambes à l’horizontale.
Il est important de rappeler que cette position assise entraine une flexion des hanches permanente, qui à force de répétitions peut entraver la bonne construction des schémas moteurs nécessaires à la marche qui se font eux, en extension de hanches.
Image tirée du livre « De la naissance aux premiers pas » de Michèle Forestier
Au niveau du mouvement
Un bébé posé assis ne se déplace plus car il ne sait pas sortir seul de cette position. Ainsi, il ne peut donc pas explorer l’espace qui l’entoure ou aller chercher l’objet qu’il convoite.
Quel dommage de le priver des possibilités de mouvement offertes par les positions sur le dos et sur le ventre comme tendre ses bras, glisser sur le ventre vers l’arrière, pivoter, faire des roulés-boulés, découvrir le ramper puis le 4 pattes… Ainsi, on le prive de la richesse du travail de ses appuis.
Tensions, immobilité, peu d’explorations spatiales, appauvrissement de la découverte sensorielle, manque de travail des appuis, équilibre précaire… sont autant d’éléments qui vont parasiter la construction du schéma corporel du jeune enfant.
Image tirée du livre « De la naissance aux premiers pas » de Michèle Forestier
En imposant le choix de l’adulte, le bébé « subit » une expérience corporelle dont il n’a ni accès librement ni les capacités d’y mettre fin. Ainsi, certains enfants finissent par pleurer, adopter une attitude passive, avoir un sentiment d’ennui ou de frustration, attestant de l’inconfort de la position.
L’envie de bouger coûte que coûte !
Il arrive parfois que certains bébés trouvent le moyen de se déplacer assis, à défaut d’expérimenter le ramper ou le 4 pattes. Ils se donnent ainsi les moyens de s’offrir une certaine liberté. D’ailleurs, certains peuvent s’avérer être de vrais sprinters !
Mais ce mode de déplacement ne fait pas partie des étapes d’un développement psychomoteur harmonieux. En effet, il ne fait pas travailler l’ensemble du corps : asymétrie des hémicorps, manque d’appuis sur les mains et les pieds, pas de dissociations des ceintures (épaules et hanches), hanches en abduction…
Malgré une aisance apparente de ces bébés, ce déplacement peut entraver la construction d’une bonne motricité (traversée d’obstacles difficile, sentiment d’insécurité car il ne peut pas alterner avec d’autres façons de se déplacer, peur de la chute, difficulté à trouver la position debout du fait du positionnement horizontal des jambes…).
Image tirée du livre « De la naissance aux premiers pas » de Michèle Forestier
Ainsi, il faut tout faire pour empêcher l’utilisation de ce déplacement sur les fesses et proposer davantage des temps allongé au sol. Rassurez-vous, si vous lui offrez cette possibilité, il trouvera de lui-même la façon de se mouvoir en rampant ou à 4 pattes !
Infographie issue du site Hoptoys
D’ailleurs, même une fois cette position acquise, l’enfant qui a le choix ne restera pas longtemps assis !
Mais… sans culpabiliser, il est possible sur des temps courts, de mettre son enfant assis le temps d’un câlin, pour jouer quelques instants ou bien sûr lors de ses repas dans la chaise haute.
Si vous observez des difficultés dans le développement psychomoteur de votre enfant ou si vous vous posez des questions, n’hésitez pas à en parler à votre médecin qui vous orientera vers un professionnel formé.